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Mes étudiants se déclarent tous très satisfaits que je consacre du temps à la prononciation et s’étonnent qu’elle ne leur ait jamais été enseignée auparavant.
Voici un exemple très particulier:
La terminaison des mots en -aon se prononce-t-elle « a-hon » ou « an » ?
Il existe en français quelques noms, communs ou propres, terminés par -aon. La prononciation de ces trois lettres, qui peut être « a-hon » ou « an », dépend de l’origine de ces noms.
Quand ils viennent, par l’intermédiaire de formes latines en -ao(n), de formes grecques en -aô(n), on fait entendre deux syllabes:
C’est le cas avec le lycaon, tiré du grec lukaôn, un nom dérivé de lukos, « loup ».
Le latin lycaon désigne un loup d’Éthiopie, le grec lukaôn, qui a pour variante lukanthrôpos, signifie « loup-garou ». Dans la mythologie, Lycaon est aussi le nom du roi d’Arcadie qui fit manger à Zeus de la chair humaine et fut pour cette raison changé en loup.
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Voyons maintenant le machaon : ce grand papillon doit son nom à Machaon, le fils d’Esculape qui soignait les Grecs et combattait à leur côté pendant la guerre de Troie. Notre lépidoptère fut nommé ainsi parce que Linné comparait les papillons aux soldats grecs et troyens : ceux qui sur le corps avaient du rouge, rappelant le sang des vaincus, devaient leur nom à des Troyens ; les autres, à des Grecs. Un élève de Linné, le Danois Johan Christian Fabricius reprit cette méthode et donna à un grand papillon, appelé couramment le « flambé », le nom d’un frère de Machaon, Podalire, qu’il latinisa en iphiclides podalirius, et à un autre, « le grand sélésier », le nom de son fils, Alexanor, papilio alexanor.
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Quant au pharaon, son nom, parti de l’égyptien peraa, qui signifiait « grande maison, palais », puis, par métonymie, « roi », est passé par l’hébreu, le grec et le latin avant de venir chez nous.
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Quand ces noms ne sont pas d’origine grecque,
le groupe -aon est prononcé « an ».
C’est le cas avec les toponymes Laon, la ville de l’Aisne, et Thaon, la commune du Calvados célèbre pour son église romane, qui se prononcent donc comme « lent » et « temps ». Notons aussi que la prononciation de Craonne, le village de l’Aisne qui fut entièrement détruit pendant la Première Guerre mondiale avant d’être reconstruit, est « crâne » et non « cra-onne » ; les habitants en sont, phonétiquement, les « crannais » et non les « cra-onnais ».
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Il en va de même avec les noms communs faon, paon et taon. S’il arrive que les jeunes lecteurs aient quelques doutes, les adultes s’entendent sur la prononciation du nom de ces animaux, semblable à celle de fend, pend et tend. On peut cependant hésiter parfois quand il faut passer du paon, le mâle adulte, à la femelle et au petit, appelés respectivement paonne et paonneau. Mais, de même que Craonne se prononce comme « crâne », paonne se prononce comme « panne » et paonneau comme « panneau ».
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La prononciation de faon ne pose pas de problème, mais il n’en a pas toujours été de même pour sa définition et son emploi.
Littré, à juste titre, rappelle que le mot faon est, à l’origine, un terme générique qui s’appliquait aux petits de tous les animaux, et qu’on lit dans La Lionne et l’Ourse, de La Fontaine : « Mère Lionne avait perdu son faon. »
De ce nom a été tiré le verbe faonner, ainsi défini par Littré : « Mettre bas, en parlant des biches et des chevrettes ou femelles de chevreuil. Se dit aussi en parlant de toute autre bête fauve. »
Tout ce que l’on vient de voir explique que ce verbe se prononce donc comme faner.
Ainsi l’homonymie rapproche deux verbes qui sont deux lointains cousins étymologiques : le premier dérive de faon, le second de foin. Celui-ci est issu du latin fenum, celui-là de fetonem,
et tous deux remontent à fetus, « enfantement, production, portée » ou, comme l’écrit Littré, « produit de conception », le foin étant proprement le produit du pré et le faon, on l’a vu, étant d’abord le petit de n’importe quel mammifère.
À bientôt! …. 🌺🦋