Le français, ce sont les grandes orgues, qui se prêtent à tous les timbres, à tous les effets, des douceurs les plus suaves aux fulgurances de l’orage. Léopold Sédar Senghor

Je me contente aujourd’hui de rapporter l’intégralité de l’article sur quelques expressions françaises musicales de Léopold Tobisch 

La langue française regorge d’expressions loufoques et au cours des conversations, il arrive de tomber sur des expressions idiomatiques étonnantes, parfois avec un sens musical. Mais d’où nous viennent ces expressions ? Que veulent-elles signifier ?

Le célèbre violon d’Ingres à l’origine de l’expression © AFP – A.J.Cassaigne

♦️ Les expressions les plus évidentes

Pour exprimer l’envie de se mettre d’accord, on doit « donner le la », « accorder ses violons » ou « se mettre au diapason », à l’instar des musiciens qui s’accordent. 
Lorsque l’on est initié à un nouveau sujet ou un nouveau métier, on doit évidemment passer par les rudiments, on doit « faire ses gammes », en référence aux gammes que pratiquent régulièrement les instrumentistes.
On « met un bémol » à une note de musique afin de baisser sa tonalité, et on fait pareil pour atténuer un propos ou modérer une affirmation. On peut également « mettre un point d’orgue » pour accentuer un moment dans un discours, de la même manière qu’un compositeur ajoute un point d’orgue à sa partition, signe de notation musicale qui sert à indiquer un moment de paroxysme dans une œuvre. Et lorsque l’on souhaite apporter une touche solennelle ou dramatique à notre propos, on « fait donner les grandes orgues ».

♦️Les  expressions musicales plus mystèrieuses

À cor et à cri

Lorsque l’on insiste sur un point avec force, on y va « à cor et à cri », à l’instar de la chasse et plus précisément de la vénerie, où il est coutume d’utiliser des cors, accompagnés des cris des chiens et des chasseurs en plein galop.

Sans tambour ni trompette / au temps pour moi

À l’inverse de l’expression précédente, si l’on souhaite se retirer d’une situation de manière discrète, sans se faire remarquer, on le fait depuis le XVIIe siècle « sans tambour ni trompette », comme une armée en retrait après une défaite.

Autre expression d’origine militaire, l’injonction « au temps ! » fut prononcée lorsque le pas cadencé d’une troupe fut cassé par le mauvais pas d’un individu, avant de recommencer depuis le début. « Au temps pour moi » vient aujourd’hui annoncer une erreur admise par le locuteur.

C’est comme pisser dans un violon

Pour résumer l’inutilité d’une action, il n’y a pas mieux comme expression que « autant pisser dans un violon ». Si les premières traces de l’expression remontent aux années 1860, il existe également une autre variante avec plus de sens : « souffler / siffler dans un violon ». En effet, l’acte de souffler dans un instrument à cordes, dans l’espoir de provoquer le même son qu’un instrument à vent, ne sert strictement à rien. Le langage courant aurait transformé souffler en « pisser », dans une déformation comique et vulgaire.

Faire comme ça nous chante

L’idée d’agir uniquement « si ça me chante » existe depuis le XVIIIe siècle. On trouve notamment dans le livre XII des Confessions (1769-1770) de Jean-Jacques Rousseau la phrase suivante : « J’aime à m’occuper à faire des riens, à commencer cent choses, et n’en achever aucune, à aller et venir comme la tête me chante ».
Le « chant » viendrait alors d’une voix interne, de notre esprit en quelque sorte. Si l’on entend chanter dans notre tête, c’est qu’il y a une envie.

C’est du pipeau !

Les propos incohérents ou faux d’une personne sont souvent qualifiés de « pipeau ». L’expression remonte au XIIIe siècle, et se rapporte au fait d’attirer les oiseaux en imitant leur appel à l’aide de petites flûtes en bois ou de roseau nommées « pipeaux ».
Ou encore d’attirer les rats selon  la légende chantée par Hugues Aufray:

Violon d’Ingres

Violoniste à ses heures perdues, le peintre Jean-Auguste Dominique Ingres (1780-1867) fera de son passe-temps une véritable passion connue de tous. Il devient même le deuxième violon de l’orchestre du Capitole de Toulouse. Mais si l’expression sert aujourd’hui à décrire une passion, elle eut tout d’abord une connotation péjorative !
 » Dans les dernières années de la vie du maître, la petite presse, celle qui aime à rire et à conter sur les hommes illustres des confidences de valet de chambre, s’est beaucoup amusée de son violon et de ses ardeurs de virtuose. Le violon d’Ingres était passé en proverbe, pour exprimer la manie qui pousse chaque homme à afficher surtout ses prétentions les moins en rapport avec ses aptitudes », écrit Victor Fournel dans Les artistes français contemporains : peintres, sculpteurs (1885).
Quant à l’origine de l’expression, c’est l’écrivain Émile Bergerat qui revendique sa paternité dans ses Souvenirs d’un enfant de Paris (1911). Il l’utilise alors au sujet de la passion de Théophile Gautier pour la peinture.

Être le ténor…

Pourquoi dit-on d’un grand avocat que c’est un ténor du barreau ? Pourquoi pas la soprano, l’alto, ou la basse ? Il n’est pas question ici de dévaloriser les autres catégories de voix mais de faire plutôt référence aux origines du mot « ténor ».
Ce dernier vient du latin « tenere », signifiant « tenir ». Dans la musique polyphonique médiévale, c’était la voix qui « tenait » la ligne fondamentale du chant, le cantus firmus. Dès le XVIe siècle, on qualifie ainsi de « ténor » toute voix portant le cantus firmus. Le ténor du barreau est donc celui dont la voix porte le plus.

Écoutez https://youtu.be/XpYGgtrMTYs?si=XgGMgFR1JnZ6VZ8y

Ne tirez pas sur le pianiste

Qu’est-ce que le pianiste aurait bien pu faire pour mériter qu’on lui tire dessus ? Rien, et c’est bien là le problème ! En 1896 sont publiées pour la première fois les Impressions d’Amériqued’Oscar Wilde. Lors de son passage à Leadville, dans l’Etat du Colorado, l’écrivain raconte sa visite d’un saloon, lieu d’embrouilles régulières entre clients irascibles : « Ils m’ont ensuite emmené dans un salon de danse où j’ai vu la seule méthode rationnelle de critique d’art que j’aie jamais rencontrée. Au-dessus du piano était imprimée une notice : ‘Veuillez ne pas tirer sur le pianiste. Il fait de son mieux.’ »
Si les règlements de compte étaient tolérés entre clients, il était prié de ne pas prendre pour cible le pauvre pianiste qui ne faisait que son travail. C’est ainsi que l’anecdote du pianiste est devenue l’expression courante pour ne pas s’en prendre à ceux qui n’ont rien à voir avec un argument, mais également ne pas critiquer ceux qui font de leur mieux.

Faire un bœuf

Ainsi est née l’idée de « faire un bœuf » lorsqu’il s’agit d’une rencontre musicale à l’improviste:
Le 10 janvier 1922, un cabaret est inauguré dans le VIIIe arrondissement de Paris. Le Bœuf sur le toit devient rapidement un lieu célèbre et hautement fréquenté par les plus grands artistes et mélomanes de la capitale, dont Jean Cocteau, Darius Milhaud, Georges Auric et Arthur Rubinstein.
C’est ici que l’on pouvait également croiser les nombreux musiciens de jazz de Paris, venus au Bœuf pour participer à des sessions d’improvisation musicale décontractées.

Finir/conduire/mettre au violon

Les origines du « violon » pour signifier l’incarcération d’une personne sont aussi multiples qu’incertaines. La première – et la plus simple – serait la ressemblance entre les cordes de l’instrument et les barreaux d’une cellule. À cela s’ajoute une expression courante parmi les prisonniers et les geôliers, « jouer du violon », référence à l’acte de scier ses fers par le même geste qu’un violoniste sur son archet.
Le violon a également une autre connotation carcérale. Dans le musée de la cité fortifiée de Riquewihr en Alsace, il existe un instrument de torture surnommé le « violon ». Un carcan en bois ou en métal en forme de violon, avec des trous pour le cou et les poignets.
Le journaliste et philologue François Génin propose une autre origine dans le premier volume de ses Récréations philologiques (1858). Il s’inspire notamment d’une expression plus ancienne, « mettre au psalterion ».**  « Psalterion, salterion, sauterion, n’est autre chose que le mot latin psalterium, accommodé à la française. […] mettre au psalterion, c’était donc mettre aux sept psaumes ; mettre en pénitence. » Alors que le psaltérion se démode, l’expression est alors mise à jour avec le nom de l’instrument qui remplace le psaltérion dans la faveur publique : le violon.

Mais lles termes de violon et flûte  furent également donnés à ….des instruments de torture !

Pour en savoir plus:

À bientôt !🎼🪉🪈

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Si vous n’êtes pas capables d’un peu de sorcellerie, ce n’est pas la peine de vous mêler de cuisine. Colette

♦️Le gratin dauphinois lié à la Révolution Française

Si son origine est méconnue, on sait que le terme gratin dauphinois a été consigné par écrit pour la première fois à l’aube de la révolution française, le 12 juillet 1788.
Le 7 juin 1788, Grenoble est le cadre d’une émeute, La « journée des tuiles »: les habitants de Grenoble, dans les Alpes, défient les troupes du roi. Juchés sur les toits de leurs maisons, ils jettent des tuiles du toit de leurs maisons sur les soldats qui avaient reçu l’ordre de disperser les parlementaires de la province… 

Elle restera comme l’une des journées marquant  le prémice de la Révolution française.

Le duc de Clermont-Tonnerre, Lieutenant général et commandant en chef du Dauphiné y jouera un rôle capital notamment en retirant la troupe face aux insurgés pour éviter un massacre. 
Le 12 juillet, le duc offre un repas aux officiers municipaux de Gap et c’est à cette occasion que le terme de gratin dauphinois apparaît pour la première fois consigné par écrit.
Un gratin dauphinois fut en effet servi en accompagnement d’ortolans. 
Normal dans une région du quart sud-est de la France (Isère, Drôme, Hautes-Alpes et Rhône) où l’on produisait beaucoup de lait.
source: Herodote.net

A la fin du XIXème siècle et au début du XXème siècle, le gratin dauphinois a commencé à s’imposer dans les auberges du Vercors.. 
Aujourd’hui un incontournable de notre gastronomie, il est l’une des 10 meilleures spécialités françaises.
Moelleux, fondant, onctueux, réconfortant, ce plat d’automne chaleureux et gourmand de l’ancienne province Viennoise évoque les douces saveurs de la cuisine française et rappelle les dimanches passés en famille.

Dans les secrets du gratin dauphinois… la pomme de terre.

Tout commence par le choix des pommes de terre 

😉 Au fait, pourquoi dit-on  « pomme de terre » en français au lieu de « patate » ? 
Parce que c’est le terme historique, officiel et formel qui s’est imposé pour distinguer ce tubercule d’autres plantes souterraines, en particulier la patate douce. « Patate » est une appellation courante mais familière.

La pomme de terre est le légume le plus prisé des français.. 
Le tubercule, ancêtre de la pomme de terre était apparu en Italie en 1565 puis en Suisse en 1589 avant de se diffuser au-delà des Alpes

Mais pour réussir ce plat traditionnel, Il faut savoir choisir des pommes de terre ni trop fondantes sous peine qu’elles se transforment en purée lors de la cuisson, ni trop fermes car le gratin perdrait alors tout son moelleux. On privilégiera donc des variétés qui tiennent bien à la cuisson comme les Nicola, Monalisa, belle de Fontenay, Roseval ou Pompadour.
Dans le Dauphiné on ne plaisante pas avec cette sacro-sainte recette, véritable emblème du patrimoine culinaire régional: Des pommes de terre, du lait, de la crème, un peu d’ail et de noix de muscade, et rien d’autre….
Le gratin dauphinois, le seul et l’unique, ne contient pas de fromage. C’est le lait, qui, en cuisant, forme une croûte dorée à sa surface. 
L’ajout de gruyère, de comté ou de beaufort en ferait alors un gratin savoyard. D’où les différentes variantes du gratin dauphinois nées de l’imagination de chacun.. 
Qu’on le serve en garniture avec une viande ou comme plat principal avec une petite salade verte, il n’en sera que plus délicieux accompagné d’un vin savoyard blanc.

♦️Et voici l’authentique recette de Marie Rochedy, lauréate du Championnat de France du gratin Dauphinois 2017

Ingrédients bio pour 6 personnes :

  • 1,3 kg de pommes de terre Mona Lisa,
  • 25 cl de lait entier
  • 50 + 15 cl de crème liquide entière
  • 50 g de beurre
  • Une gousse d’ail rose
  • Sel et poivre
  • Un plat de 20 cm sur 30 cm

Préparation de la recette :

  • Peler et trancher finement les pommes de terre en rondelles de 3 à 5 mm
  • Chauffer votre four à 180°
  • Verser 50 cl de crème et le lait dans une grande casserole. Ajouter les pommes de terre et faire cuire à feu moyen 10 minutes après ébullition. « Il faut que le mélange liquide bouillonne légèrement » conseille Marie
  • Frotter le plat avec de l’ail et la moitié du beurre
  • Ranger harmonieusement les pommes de terre précuites dans le plat. 
  • Ne pas laver les rondelles car c’est leur amidon qui va lier le lait, la crème et la pomme de terre, donnant ce moelleux du gratin. Tout le secret réside ensuite dans la lente cuisson des pommes de terre, durant laquelle elles vont se gorger de lait ou de crème.   
  • Verser tout le liquide de la casserole dans le plat, puis ajouter 15 cl supplémentaires de crème entière
  • Mettre au four à 180° pendant 1h30. Astuce de Marie : recouvrez le plat d’une feuille d’aluminium lors de la cuisson.
  • Dix minutes avant la fin de la cuisson, mettre « quelques noisettes de beurre sur le gratin et enlever la feuille d’aluminium pour que le gratin colore et dore bien » conseille Marie.
  • Servez chaud ! Et savourez !

Á bientôt ! 🥔🍸🍸

 « L’argent n’a pas d’odeur » Vespasien 

Les taxes les plus insolites à travers les siécles

L’ingéniosité des États pour trouver de nouvelles sources de revenus ne data pas de hier et des taxes étranges ont ainsi vu le jour au fil du temps, mais si l’esprit humain est d’une imagination sans limites pour les inventer, il l’est aussi pour les contourner ou les refuser et les impôts les plus injustes ont souvent provoqué des révoltes populaires et de la contrebande. La taxe sur le sel fit tomber trois empires…
En voici quelques-unes:

La taxe sur l’urine  (vectigal urinae) dans la Rome antique 

Rome exhalait de nauséabondes odeurs. Et L’Empereur Vespasien (9 à 79 après JC) était confronté à une dette impériale importante; Il rend alors obligatoire l’usage des latrines publiques et instaure une taxe sur la collecte d’urine vendue aux teintureries et aux tanneries.
En effet, l’urine était le seul agent fixant, facilement disponible dans l’industrie de la teinture antique. L’urine qui contient de l’ammoniac, était utilisée comme agent nettoyant pour blanchir les tissus ou comme ingrédient dans le tannage des cuirs.
Certains l’utilisaient également comme dentifrice pour blanchir les dents….

Pecunia non olet : L’argent n’a pas d’odeur

À Titus, son fils, qui trouve cette taxe ignoble, Vespasien lance une pièce d’or et lui demande s’il sent quelque chose.
Celui-ci lui dit non, et Flavien lui répond ironiquement qu’elle vient cependant de l’urine.

Taxes sur le lavage des corps nus sous Cromwell ( XVIe siècle)

Le lavage des corps nus, activité perverse et gaspillage de temps selon lui … Le savon se vit donc taxé à hauteur de 80% de la valeur du produit. Comme les contribuables les plus aisés continuèrent malgré tout à faire leur toilette, cet écot sur la potasse fut assez productif. 
Il ne sera supprimé qu’en 1853 par William Gladstone : « une nation propre est une nation heureuse »

La taxe sur les seins: le mulakaram – Inde XVIIIe siècle

Les femmes des castes inférieures dans l’Inde du XVIIIe siècle doivent acquitter une taxe pour avoir le droit de se couvrir les seins. 
La légende dit qu’en 1803, Nangeli, une femme de la caste Ezhava, trop pauvre pour payer cet impôt se serait tranché les seins devant le collecteur des impôts en signe de révolte fiscale.
Cette histoire fit grand bruit, même à l’étranger, si bien le mulak karamp fut finalement aboli en 1812.

 La taxe sur les barbes sous Pierre le Grand XVIIIe siècle

Pierre le Grand, tsar réformateur de Russie (1672-1725), construisit sa capitale Saint Pétersbourg sur le delta marécageux de la Neva et décida d’occidentaliser son empire.
Il introduit alors la taxe sur les barbes, pour inciter les hommes à adopter les styles occidentaux et à abandonner les longues barbes traditionnelles. Ceux qui voulaient conserver leur barbe devaient payer une taxe et recevaient un jeton en reçu.

Taxe sur les fenêtres – Angleterre, XVIIe siècle –  France, 1798-1926

Créée en 1696 sous le roi Guillaume III, conçue pour être un impôt sur la fortune mais imposée aux châteaux comme aux chaumières.
Les Anglais au XVIIe oublient toutefois un détail : le terme de fenêtre était très vague et une simple aération de garde-manger obligeait à payer la taxe. Les immeubles collectifs devinrent pratiquement aveugles, avec de graves conséquences :
la privation de lumière et de ventilation provoqua la propagation de maladies comme la tuberculose.
En France, en 1798, tout propriétaire est taxé sur le nombre d’ouvertures de son logement. Les ouvertures sur cour étant épargnées, ce furent les façades qui perdirent leurs carreaux et se garnirent de fausses fenêtres… et changèrent de visage. La taxe perdura jusqu’en 1926.

Victor Hugo s’écria : « Dieu donne l’air aux hommes, la loi le leur vend ! ».

À bientôt !! 💰💶