« Danser, est-ce taire un cri ? » Rainer Maria Rilke

Pierre Brueghel le Jeune 1592

En cette aube grise et sale du 12 juillet 1518 qui peine à chasser la nuit, Frau Mermette est réveillée par les gémissements de son bébé:

Manger, manger…

Elle s’approche du berceau, prend son enfant dans les bras  « et sort, chancelante dans la nuit et en un décor de famine et de maladies. 
Accrochée à une tringle rouillée, l’enseigne du graveur d’en face grince sous l’effet d’une brise légère. L’épouse du tonnelier a des allures squelettiques de chienne famélique qui retourne au vomi.

Manger… Manger…
Il n’y a plus rien pour s’alimenter chez elle et son mari. »*

Elle se dirige tout droit vers le pont du Corbeau sous lequel coule le Rhin, y jette son nourrison et, sans un regard en arrière, se dirige tout droit vers la place de la Cathédrale de Strasbourg où elle se met à danser.

Seule. Sans musique. Jour après jour, regard vide et levé vers le ciel, elle danse, danse sans pouvoir s’arrêter, malgré ses pieds en sang ..

Mais voilà qu’une personne, puis 10 la rejoignent dans cette danse erratique. Une dizaine de jours après, ils sont une cinquantaine à ses côtés, hommes, femmes, enfants… et bientôt plus de 400 sèmeront la terreur et la mort dans les rues de Strasbourg.

S’agit-il vraiment d’une danse ?
Pourquoi cette transe étrange les a-t-elle saisis?

Rien de gracieux ni de joyeux ! bras et jambes épuisés de mouvements spasmodiques, leurs vêtements trempés de sueur leur collent à la peau et révèlent des corps squelettiques;
Tous ont le même regard vague tourné vers le ciel, leurs cris déchirants comme un appel à l’aide aux dieux..

« ON N’A PLUS RIEN, ALORS ON DANSE. »

Il s’agit d’une danse du désespoir. Une femme, entrée dans le cercle a crié « On n’a plus rien, alors on danse. »
En effet, le clergé terrorise la population et lui fait payer fort cher le rachat de ses péchés, pour éviter l’enfer et l’enterrement dans la partie non bénie de la ville. (scandale des indulgences, qui chassera le catholicisme, remplacé quelques années après par le protestantisme).
Une invasion turque menace.
Strasbourg est victime de plusieurs catastrophes naturelles.

La famine est là. 

Une très étrange solution mise en place par la ville 

Comme l’épidémie s’aggravait, les nobles et le clergé inquiets demandèrent l’avis des médecins .
Ce n’est pas une crise d’épilepsie collective: les danseurs ne bavent pas. 
Ni une crise d’ergotisme (moisissure du seigle, qui produit des hallucinations.
Est alors évoquée une « maladie naturelle », causée par un « sang trop chaud ».

Pèlerinage des épileptiques de Moelenbeek, Bruegel le Jeune, 1592

Les autorités pensèrent en finir en soignant le mal par le mal : ils encouragèrent les danseurs en établissant un marché aux grains et en construisant une scène en bois.
Ils pensaient en effet que les malades ne s’arrêteraient de danser que s’ils pouvaient le faire sans interruption jour et nuit jusqu’à épuisement. Pour améliorer l’efficacité du traitement, les autorités embauchèrent même des musiciens pour maintenir la danse des malades.
Les danseurs furent nourris et le quartier mis en quarantaine pour que cesse la contagion.

2000 des 16 000 strasbourgeois d’alors dansèrent pendant 2 mois. 
Puis, aussi soudainement que ça avait débuté, tout s’arrêta. Sans raison.

La peste dansante

  • Une histoire vraie, très peu connue car longtemps cachée par l’Eglise. Pourtant largement documentée par archives, médecins, et chroniqueurs de l’époque, et même citée par William Shakespeare qui l’a nommée « The dancing Plague »  La Peste dansante
  • Lire aussi ce magnifique et terrible poème de Baudelaire sur la mort la danse macabre 
    « Elle a la nonchalance et la désinvolture
    D’une coquette maigre aux airs extravagants. »
  • * En 2018, Jean Teulé, de sa signature si singulière,  en a fait un roman extraordinaire.

Dansez, c’est ce que l’on peut répondre au désespoir

Pour un zeste de beauté après cette triste et macabre histoire, Strasbourg aujourd’hui.

À bientôt !  ☠️💀

L’aventure commence..

J’ai enfin démissionné de l’Education Nationale !

Ce n’était vraiment pas « ma tasse de thé  » : je n’avais pas une âme de fonctionnaire !!

Certes, en 6 années, j’avais beaucoup appris : 

J’avais pu reprendre des études, de lycéenne, j’étais devenue maîtresse d’école puis maîtresse-auxiliaire (prof’ de collège remplaçante), j’avais enseigné le français,le latin (mon domaine) mais aussi l’Histoire-Géographie, 

de Verdun, la ville aux mille croix à Domremy-la-Pucelle,le village natal de Jeanne d’Arc, en passant par les Corons des cités minières, toujours « au pied levé », obligée de saisir en moins d’une matinée la dynamique de classes déjà solidement installées, d’y dénicher très vite le meneur et d’aligner mon enseignement sur le professeur que je remplaçais.

J’avais vécu chez l’habitant, pour 1, 2 ou 6 mois, toujours accueillie chaleureusement, j’avais écouté tant d’histoires de vie, de l’agriculteur au mineur de fond,et connu moultes aventures drôles,désopilantes parfois bouleversantes mais toujours profondément humaines !

Certes, j’avais voyagé , certes, je savais désormais m’adapter à toutes les situations mais j’étais très loin de mes rêves d’enfant..  

Je suis donc partie. Sans un seul regret.
Et j’ai découvert le FLE.

Très nouveau dans les années 75-80, c’était une porte ouverte sur les pays étrangers.

Je me suis formée, j’ai demandé et obtenu un poste à Strasbourg et j’ai commencé à travailler au….CIEL !!.

Sourires…… Un nom terriblement symbolique de mon désir de la liberté de travailler désormais où et quand je le déciderai.

Un an après, j’étais en Finlande 🇫🇮...

     La suite dans 15 jours…🦋🦋🦋

**  Vocabulaire, points de grammaire vous seront expliqués la prochaine fois.

L’avis de Sophie