Le conte, une trêve au combat des hommes.  Daniele Pennac 

J’aime les contes et les légendes : ils portent en eux une sagesse de l’être humain, l’étude de l’homme même, et l’idéalisation d’une impression, forme effacée ou altérée de quelque souvenir collectif ou de faits historiques, à ce point même « qu’ils sont la seule histoire des premiers âges ».

On parle beaucoup de Blanche-Neige en ce moment mais sans s’intéresser vraiment à sa très belle histoire qu’il serait dommage de défigurer.
J’ai donc cherché à la connaître mais je reconnais m’être contentée de copier le passage suivant : 

“Blanche Neige et les Sept Nains », le tout premier film en animation traditionnelle de Walt Disney sorti en 1937.

Il était une fois un producteur de cartoons qui désirait créer quelque chose d’inédit dans le monde de l’animation, quelque chose de grand…

C’est en 1934 que Walt Disney commença à parler de son projet de long métrage d’animation à ses artistes, il choisit pour cela d’adapter le merveilleux conte des frères Grimm, Blanche Neige et les Sept Nains. Cela faisait longtemps que Walt Disney voulait adapter ce conte à l’écran. En 1916, il découvrit au cinéma une version muette du conte avec Margerite Clark dans le rôle de Blanche Neige. 

C’était le premier film qu’il vit au cinéma et celui-ci le marqua à jamais.

Contrairement à ce que beaucoup pensent, Blanche Neige et les Sept Nains n’est pas le premier long métrage d’animation jamais réalisé pour le cinéma, mais le quatrième.
Il est toutefois le premier réalisé en animation traditionnelle (décors peints et celluloïds).

Après trois années remplies de craintes et de doutes (tout l’argent des studios était parti dans ce projet), la production de Blanche Neige et les Sept Nains était terminée. Le film fut présenté en avant-première le 21 décembre 1937 au Carthay Circle Theater de Los Angeles. Toutes les célébrités d’Hollywood se déplacèrent pour découvrir l’œuvre majeure d’un homme que l’on considérait déjà comme hors du commun.

Blanche-Neige aurait-elle réellement existé ?

“Il n’y a pas de plus beau fil que celui des fileuses de lune. »
Comme tous les conteurs, les frères Grimm, au début du XIXe siècle, se sont souvent  inspirés d’histoires réelles.
Et voici qui résonne de manière fort troublante :

Il était une fois, au XVIème siècle, une petite fille noble, Margaretha von Waldeck qui perdit sa maman alors qu’elle n’avait que 4 ans.
Son père, le comte de Waldeck-Wildungen, protestant influent du Saint-Empire romain germanique, alors en proie à de graves conflits religieux, se remaria trés vite avec Katharina von Hatzfeld, aristocrate catholique connue pour sa beauté mais fort cruelle avec l’enfant qui grandit sous sa méprisante autorité. 

La « méchante reine » aurait-elle été jalouse de Margaretha devenue une merveilleuse jeune fille à la peau de porcelaine, aux lèvres vermeil et aux cheveux d’un blond éclatant ?

À 16 ans, elle fut enfin libérée de l’emprise de sa marâtre car son père décida de l’envoyer parfaire son éducation à la cour raffinée de Marie de Hongrie, sœur de Charles Quint, qui gouverne les Pays-Bas espagnols.
Il espérait ainsi renforcer ses relations avec la dynastie la plus puissante de l’époque et permettre un beau mariage pour sa fille.
Philippe II, fils de Charles Quint, prince du sang et héritier du trône, tomba immédiatement sous le charme de Margaretha et une très belle histoire d’amour naquit entre les deux jeunes gens.

Merveilleuse mais, hélas, impossible. Margaretha était protestante et d’un rang trop inférieur pour devenir l’épouse de l’empereur catholique, futur roi d’Espagne.
Et la fin fut tragique : à 21 ans, la jeune fille fut emportée en quelques jours par une mystèrieuse maladie… si subite et si étrange que certains l’attribuèrent à un  empoisonnement, sans doute à l’arsenic… Son testament, rédigé d’une main tremblante, alimenta les soupçons.

Assassinat politique ? Par sa belle-mère ? Nul ne le saura jamais.

La marâtre, la jalousie, la beauté, le poison, la mort qui rôde, quelle troublante ressemblance avec Blanche-Neige et… les 7 nains.

Oui, les 7 nains entourent également la jeune Margaretha !

En effet, son père exploitait des mines de cuivre où travaillaient de nombreux enfants regroupés par groupe dans des maisons dédiées. Les conditions de travail dans les galeries basses étaient telles qu’ils étaient atteints de déformations et de retards de croissance, si bien que ces jeunes mineurs étaient appelés « nains ».

Les Bruxellois sont convaincus que la « vraie » Blanche-Neige repose sous leurs pieds. En effet, Margaretha von Waldeck a sans doute été inhumée au couvent des Récollets ou dans l’église, sous la place de la Bourse actuelle. Mais 10 000 inhumations furent enregistrées chez les frères Récollets et sa dépouille n’a pas été retrouvée.

À bientôt ! 🍎🍎🍎

« L’amour est un phœnix qu’on ne prend pas au piège. » Érasme

Phœnix, un oiseau mythique immortel doté de pouvoirs magiques et connu pour sa capacité à se régénérer, est devenu un symbole durable d’espoir, donnant à l’humanité la chance de se débarrasser de son ancienne vie et de recommencer avec les avantages physiques de la jeunesse et de la sagesse d’avoir vécu mille vies.

Ce symbole de vie, de changement et de renaissance fait l’objet de légendes, de religions et de philosophies depuis des siècles et a inspiré conteurs et artistes du monde entier.

Le phœnix présente des similitudes avec des créatures d’autres cultures comme le Garuda, mi-homme mi-aigle de la mythologie hindoue, l’oiseau de feu russe, le paskunji de Géorgie, le simorgh de Perse et le Me byi karmo du Tibet.
Dans le christianisme, le phœnix est souvent considéré comme analogue à la résurrection de Jésus-Christ, lui-même mort sur la croix et ressuscité 3 jours plus tard.

Selon l’historien grec Hérodote (484 à 425 av. J.C.), les prêtres d’Héliopolis  affirmaient que le phœnix vivait 500 ans. A la fin de sa vie, l’oiseau construisait un bûcher. Sa progéniture émergeait de ses cendres et s’envolait. Les Grecs croyaient que le phœnix ne mangeait jamais de fruits. On pensait que l’oiseau ramassait de la myrrhe et de la cannelle pour préparer le nid qui deviendrait son bûcher.

PHŒNIX et la Métempsychose 

De la Grèce antique à l’Égypte ancienne, en passant par l’Inde millénaire, la notion de réincarnation, vieille comme le monde, épouse différentes formes.
C’est principalement dans le monde grec antique que fleurit, à partir du VIe siècle av. J.C., la notion de réincarnation et de métempsychose (qui signifie littéralement « transmigration des âmes »). Mais l’idée, en soi, ne serait pas grecque. Sans qu’on en connaisse l’origine exacte, il semble qu’on en ait déjà débattu en Égypte et en Mésopotamie. Pour être plus précis, les Égyptiens, eux, parlent de transformation des morts, surtout en oiseaux, dont le phœnix…

L’hypothèse de la réincarnation traverse ainsi les religions animistes, chamaniques ou primitives.

Phœnix trouve son origine dans l’Égypte ancienne.

En égyptien ancien, on le nommait Bennu, lié au mot « weben » qui signifiait s’élever ou briller de mille feux, et était représenté par un hiéroglyphe représentant un héron

« Le Bennu vivait au sommet des pierres de ben-ben (pierres sacrées du temple solaire d’Héliopolis) ou d’obélisques et était vénéré aux côtés d’Osiris et de Râ. L’oiseau solaire apparaît sur les anciennes amulettes comme un symbole de renaissance et d’immortalité, et il était associé à la période des crues du Nil, apportant une nouvelle richesse et une nouvelle fertilité. »

Selon la légende, Phœnix était immortel et vivait à l’origine au paradis.
Un jour, Phœnix se lassa et désira une nouvelle vie. Il se rendit alors dans le monde des mortels régi par la vie et la mort. Mais il réalisa qu’il ne pouvait pas mourir et souhaita se renouveler tous les mille ans.
Il construisit son nid, s’y installa et attendit l’arrivée du dieu soleil Ra. Lorsque celui apparut sur son char à travers le ciel, Phœnix se mit à chanter pour attirer son attention et Ra, subjugué par cette mélodie, s’arrêta et fit tomber une étincelle de son char qui enflamma le nid et l’oiseau. Mais, 3 jours après, ses pouvoirs magiques d’immortel le firent renaître de ses cendres.
C’est ainsi que Phœnix put continuer à vivre dans notre monde, en répétant son cycle de mort et de renaissance tous les mille ans.

Dans la mythologie chinoise, oiseau sacré mythique avec le dragon

Il s’appelle Feng-Huang, semblable à un paon avec un cou mince et une longue queue orange et rouge ardent. Au Japon, on l’appelle Ho-Oo.

Selon la légende, tandis que l’empereur Tang Xuanzong élevait un dragon chinois sous la dynastie Tang, un phœnix a existé sous la dynastie Zhou

Un jour, le pays Zhan Tou offrit au roi un jeune phœnix, transporté dans un splendid char, décoré de pierres de jade de cinq couleurs et tiré par un éléphant rouge. À son arrivée à Hao, capitale de la dynastie, près de Xi’an dans la province du Shaanxi, il fut relâché dans le jardin royal des oiseaux rares, et nourri quotidiennement de sirop doux et de graines succulentes.
Ses plumes n’étaient pas vraiment belles , mais lorsque le roi Cheng de Zhou accomplit la cérémonie de sacrifice aux cieux  sur le Mont Taishan, ( « la montagne du monde » ), les plumes du phoenix devinrent couleur de feu. Tous les oiseaux cessèrent alors de babiller et se soumirent à cet oiseau divin.

Mais à la mort du roi, le phénix disparut à jamais.

La dynastie Zhou était une époque où dieux et gens ordinaires vivaient ensemble, d’où un tel miracle, selon le roman L’Investiture des dieux (封神演义) 

 Un phœnix a également été la première image représentée sur le grand sceau des États-Unis d’Amérique nouvellement nés en 1782 après la guerre d’indépendance contre la Grande-Bretagne. Il fut remplacé plus tard par celui d’un aigle devenu un symbole américain.

Phœnix au XXI ème siècle

Et, parce qu’il est immortel, on le retrouve dans de trés nombreuses mangas actuelles et dans le très célèbre Harry Potter
Les larmes des phœnix guérissent tous les maux. Ainsi, c’est Fumseck qui sauve Harry lorsque ce dernier se fait mordre par le basilic (qui possède un venin extrêmement mortel) dans Harry Potter et la Chambre des Secrets.

À bientôt ! 🐦‍🔥🐦‍🔥

« L’orthographe est de respect; c’est une sorte de politesse. » Alain

Prosper Mérimée, 1803 – 1870, écrivain, archéologue, érudit, inspecteur des monuments historiques, sénateur proche de Napoléon III et de la cour impériale… La seule évocation de Prosper Mérimée entraîne presque toujours l’énumération des titres et fonctions qui ont jalonné la vie de cet homme, aux centres d’intérêts aussi éclectiques que le siècle dans lequel il évoluait.

Qui a eu cette idée folle, un jour, d’inventer la dictée ?

L’exercice de la dictée est ancestral et commence dès l’Antiquité. La dictée consistait alors à mettre par écrit les paroles d’un auteur. L’un des plus célèbres auteurs antiques pratiquant la dictée était Cicéron car il dictait ses textes à son secrétaire Tiron afin qu’il les retranscrive à l’écrit. De même, dans l’Empire romain, les maîtres dictaient des mots aux petits Romains qui apprenaient le latin.

C’est au XVIIe siècle qu’émerge une réflexion sur ce qu’on appelle alors « l’orthographe d’Etat« .Jusqu’au XVIIe siècle, l’orthographe était restée une discipline très floue. C’est seulement avec la création de l’Académie française, en 1634, sous l’impulsion de Louis XIII, qu’on commence à vouloir homogénéiser l’écriture, notamment au travers de la publication de dictionnaires..

En revanche, la dictée comme élément de ciment national et culturel est apparue en France au XIXe siècle. À l’époque, il y a même eu une sorte de « folie de la dictée », devenue un passe-temps très prisé à la Cour.
Par exemple, en 1857, sous le Second Empire de Napoléon III, l’Impératrice Eugénie a commandé à Prosper Mérimée une dictée combinant de nombreuses difficultés orthographiques afin de la proposer comme jeu après un dîner. C’est un texte qui est resté célèbre pour sa difficulté car même l’Empereur a commis 75 fautes ! l’impératrice Eugénie, 62, Alexandre Dumas fils, 24. Seul le prince de Metternich, ambassadeur d’Autriche, n’en fait que 3… 

« Quand allez-vous, prince, vous présenter à l’Académie pour nous apprendre l’orthographe ? » aurait demandé Dumas quand furent annoncés les résultats.

La célèbre dictée de Prosper Mérimée, publiée par Léo Claretie en 1900.

La dictée de Mérimée, site officiel du Ministère français de la Culture.

« Pour parler sans ambiguïté, ce dîner à Sainte-Adresse, près du Havre, malgré les effluves embaumés de la mer, malgré les vins de très bons crus, les cuisseaux de veau et les cuissots de chevreuil prodigués par l’amphitryon, fut un vrai guêpier.
Quelles que soient, quelque exiguës qu’aient pu paraître, à côté de la somme due, les arrhes qu’étaient censés avoir données la douairière et le marguillier, il était infâme d’en vouloir, pour cela, à ces fusiliers jumeaux et malbâtis, et de leur infliger une raclée, alors qu’ils ne songeaient qu’à prendre des rafraîchissements avec leurs coreligionnaires.
Quoi qu’il en soit, c’est bien à tort que la douairière, par un contresens exorbitant, s’est laissé entraîner à prendre un râteau et qu’elle s’est crue obligée de frapper l’exigeant marguillier sur son omoplate vieillie.
Deux alvéoles furent brisés ; une dysenterie se déclara suivie d’une phtisie et l’imbécillité du malheureux s’accrut.
— Par saint Martin, quelle hémorragie ! s’écria ce bélître.
À cet événement, saisissant son goupillon, ridicule excédent de bagage, il la poursuivit dans l’église tout entière. »

😉 La prochaine fois, je vous expliquerai les difficultés de cette célèbre dictée 

Pour en savoir plus sur Mérimée

À bientôt !✍️