La Fortune aime les gens peu sensés ; elle aime les audacieux et ceux qui ne craignent pas de dire : Le sort en est jeté. La sagesse, au contraire, rend timide. Érasme-l’Éloge de la Folie 1509

Je me devais de rendre hommage à la Fortune, cette bonne étoile qui veille sur moi depuis toujours.Je suis persuadée comme Machiavel, qu’ elle est pour moitié l’arbitre de nos actions. 

La roue tourne, dit-on souvent, pour expliquer un revirement soudain de situation.

Mais quelle est donc cette roue et que représente -t-elle ?

Toutes les civilisations ont divinisé la Fortune, mais lui ont toujours accordé un statut à part, tant elle apparaissait – et continue d’apparaître – comme une Puissance mystérieuse et dangereuse, tournant selon son caprice la roue de la destinée de l’être humain vers Chance ou Malchance, qu’il soit roi ou mendiant.
Je ne puis mieux la décrire qu’en vous présentant ce fabuleux artiste inconnu qui a réalisé la Ruota della Fortuna en 1488, dont la copie du XIXe se trouve dans la province de Sienne.

« Figure allégorique des hasards et de l’instabilité perpétuelle de la vie humaine, c’est l’un des symboles les plus diffusés dans le monde médiéval européen. On y distingue généralement quatre phases, situées aux quatre points cardinaux de la roue ; partant de la misère la plus grande, elles évoluent progressivement, avant de culminer avec la gloire d’un empereur que l’on voit assis sur son trône tenant à la main le globe et le sceptre, symboles de son pouvoir. Les trois autres personnages sont littéralement arrimés à la roue. L’air hagard, les cheveux et les vêtements balayés par des vents de tempête, ils tentent désespérément de s’y maintenir.

Quatre portraits masculins figurent dans les octogones situés aux quatre angles : les inscriptions lisibles sur les phylactères qui les accompagnent et semblent voler au vent révèlent qu’il s’agit de quatre philosophes de l’Antiquité : Épictète, Aristote, Euripide et Sénèque. Le nom de chacun des quatre philosophes figure dans l’inscription en même temps que le titre de l’ouvrage dont provient la citation. Cette dernière est liée de façon systématique au mépris et au détachement que doivent inspirer les biens terrestres »

Au Moyen-Âge, Fortuna est également très présente.

Ainsi, dans  la Légende arthurienne, Gauvain, la rencontre dans un grand château.  accompagnée de sa Roue…
En alternance belle ou hideuse, elle garde sa majesté et son rayonnement intérieur manifeste au Chercheur de Graal et elle l’aidera  à découvrir les véritables secrets du vase sacré…

Toutefois,si elle est l’un des thèmes majeurs de la littérature et de la philosophie au Moyen-âge, n’oublions pas que l’Église s’est toujours trés largement inspirée des philosophes grecs et de la mythologie gréco-romaine . ..

Dans la mythologie grecque, elle a pour nom Tyché

Tyché (en grec ancien Τύχη / Túkhē, « Fortune, Hasard ») est la divinité de la Fortune, de la Prospérité et de la Destinée d’une cité ou d’un État.
Elle décide du destin des mortels, comme jouant avec une balle, rebondissant, de bas en haut, symbolisant l’insécurité de leurs décisions. 
Nul ne doit donc se vanter de sa bonne fortune ou négliger d’en remercier les dieux !

Tout d’abord, au IV e siècle av. J.-C.,  elle symbolise le désordre et l’irrationnel.
Son culte marque la faillite du panthéon olympien car elle fait douter les hommes de l’efficacité des autres dieux.
Mais Tyché devient ensuite la « Fortune de la cité » et ses attributs sont la corne d’abondance, le front ceint d’une couronne et  les yeux bandés, symbole de son impartialité. 

Et plusieurs villes grecques antiques ont leur propre version de Tyché.
Est-elle l’une des nymphes Océanides,fille du Dieu OCÉAN ou celle de ZEUS ou encore d’HERMÈS ou du Titan PROMÉTHÉE? Ou alors, mère de PLOUTOS, dieu de la richesse? 
Ses origines sont aussi mystèrieuses que ne le sont ses décisions !

Dans la mythologie romaine, elle est Fortuna

Du latin « fors » qui signifie le sort, elle est ressentie également comme une puissance extérieure et mystérieuse sur laquelle ils n’ont aucune prise, mais dont l’intervention est nécessaire pour réussir dans une entreprise quelconque, les romains l’ont divinisée et lui ont accordé un sanctuaire et un culte.
Et puisque « fortuna » leur était accordée ou refusée sans qu’ils n’y puissent rien, ils l’ont couplée avec « virtus« ,  la part d’énergie consciente et raisonnée que l’homme fait entrer dans sa conduite.

Surprenante contradiction, elle  était représentée sous les traits d’un personnage féminin, tenant sur ses genoux deux enfants, Jupiter et Junon, à qui elle donne le sein ; mais elle était invoquée sous le nom de « fille de Jupiter » !
En outre, à cause de la complexité de ses interventions, elle eut à Rome une multiplicité de sanctuaires qui traduit assez bien les réductions par fragmentation qu’on fit subir à cette notion pour la diviniser : elle était globalement trop fuyante, et il fallut la décomposer en aspects bien limités pour qu’une action rituelle ait prise sur elle. Elle n’y fut honorée qu’en fonction de ses rapports avec tel groupe social, tel moment du temps, tel point de l’espace. On honorait la Fortune des hommes, des femmes, d’unlieu ou d’un jour etc….

Dans la mythologie japonaise, ils sont … 7 dieux de la chance

La légende de Shichifukujin 逃

Pourquoi 7 divinités et pas 5 ou 8 ? Eh bien, le chiffre 7 est connu pour porter bonheur dans de nombreux pays. Au Japon, il est utilisé dans les fêtes traditionnelles et les rituels : par exemple, la fête des étoiles Tanabata se déroule le 7e jour du 7e mois de l’année ;

La tradition du Nouvel An consiste à rendre visite aux sept divinités du bonheur afin d’avoir de la chance toute l’année. Chaque premier week-end de janvier, les familles se rendent dans les temples et sanctuaires pour prier ces Dieux et rapporter leurs sceaux : c’est le pèlerinage des Shichifukujin.

Dans la mythologie japonaise, on raconte que ces divinités auraient voyagé à bord d’un bateau-trésor, le Takarabune, pour distribuer des cadeaux à ceux qui se sont bien comportés.
Et le 31 décembre, elles arrivent : Ebisu, Daikokuten, Benzaiten, Bishamonten, Fukurokuju Hotei et Jurojin… Chacune d’entre elles est repérable à son apparence, ses accessoires ou ses animaux symboliques.
La nuit du Nouvel An japonais, les parents mettent une image du fameux voilier et de son équipage divin sous les oreillers des enfants, pour qu’il leur apporte la chance pendant les 12 mois suivants.

 » L’origine de la légende de Shichifukujin serait apparue au Moyen âge au Japon entre le XVIe et XIIe siècle sous le shogunat Tokugawa. A cette époque, le peuple avait besoin de prospérité et la religion constituait un soutien important. C’est alors que la légende des 7 dieux de la chance serait apparue au Pays du Soleil Levant. Il est dit qu’en priant ces Dieux de la félicité on serait nettoyé de 7 malheurs et gagnerait 7 bonheurs. A l’époque Edo, la tradition devient populaire comme peuvent l’attester les nombreuses représentations de Shichifukujin dans l’art traditionnel japonais. » 

Pour en savoir plus , l’article dont j’ai copié ce passage

Et, pour terminer, un petit clin d’oeil suivi d’une once de vocabulaire…

Faire « contre mauvaise fortune bon cœur »
L’origine de cette expression remonte au XVIe siècle. Elle est issue de la fusion de deux proverbes français:  « Contre mauvaise fortune » et « Bon cœur vaillant » :
la « mauvaise fortune » désignait la malchance. Le « cœur », lui, symbolisait l’esprit et la raison. Accepter ce que l’on ne peut changer

😉bon, je vous quitte, j’ai invité des amis pour un dîner « à la fortune du pot »

À bientôt ! 🤞🍀🎱

Et Hercule créa Semur-en-Auxois

Je me devais de parler aujourd’hui de ma petite ville médiévale Semur-en-Auxois en Côte-d’Or  et de sa légende car elle a été sélectionnée pour représenter la région Bourgogne-Franche-Comté dans l’édition 2025 de l’émission « Le Village Préféré des Français », de Stéphane Bern.
Cette compétition annuelle met en lumière 14 villages français:

Pour découvrir Semur 

Sine Muros

Le nom de Semur-en-Auxois provient de sine muros, qui signifie « vieille muraille » puisqu’une enceinte y fut dressée dés 722 pour protéger le castrum (ville fortifiée). Ses habitants sont des Sinémuriens ou Semurois.
La ville se dresse sur un éperon rocheux de granit rose, résurgence du massif granitique du Morvan tout proche, dominant la vallée de l’Armançon. La position dominante du lieu en fait un site naturellement défensif très tôt investi par les hommes ! Occupé dès le néolithique, le site fut délaissé à l’époque gallo-romaine au profit du plateau d’Alésia tout proche. Il fallut attendre le Ve siècle pour que la vie y revienne et qu’une première chapelle soit construite.

Le plan de la ville prend la forme d’un huit. Le point de rencontre des deux boucles est occupé par le donjon qui défendait l’accès au castrum, situé sur la pointe de l’éperon rocheux, cœur politique et religieux de la cité. 
L’autre boucle est appelé Bourg Notre-Dame, c’était le cœur des activités économiques, le lieu de résidence et de travail des commerçants, entouré plus tard d’une seconde enceinte.  

Semur-en-Auxois est classé « Site patrimonial remarquable ». Elle regorge de vestiges architecturaux de toutes les époques : remparts fortifiés, ponts, maisons à colombages, hôtels particuliers du XVIIIe siècle, maisons de vignerons, ruelles pavées, sans oublier son donjon et sa collégiale Notre-Dame, église gothique du XIIIe siècle, qui domine le paysage et s’affiche sur toutes les cartes postales.

La légende d’Hercule à Semur-en-Auxois

La légende veut que la ville ait été fondée par le héros mythologique Hercule, qui aurait creusé la roche à mains nues !
Quel incommensurable honneur qu’un dieu si puissant ait songé à la créer !!

😉 Et quel plaisir d’étudier le français chez cet invincible immortel !

Hercule pour les romains, Heraclès pour les grecs, est le seul héros honoré dans l’ensemble du monde grec et le seul humain à avoir gagné l’immortalité parmi les dieux de l’Olympe.
Hercule jouissait en effet de la faveur divine des dieux de l’Olympe – il les avait aidés dans leur combat contre les Géants – et il était particulièrement favorisé par Athéna.

Fils de Zeus et d’Alcmène, Héros (nom des demi-dieux), il fut poursuivi dès sa naissance par la haine d’Héra, épouse de Zeus et furieuse qu’il l’ait trompée.
Elle envoya tout d’abors deux serpents pour tuer le nouveau-né Hercule, mais le bébé les étrangla facilement. 

Puis, elle le rendit fou pour qu’il tue sa femme Mégara et ses 3 fils. Ayant recouvré la raison et pétri de remords , il demanda à Apollon par l’intermédiaire de la Pythie , comment expier sa faute. 
Laquelle lui ordonna de se mettre au service d’Eurysthée, son cousin et  plus vieil ennemi, et d’accomplir les tâches qu’il lui imposerait.
Celui-ci, sur les conseils d’Héra et souhaitant se débarrasser d’Hercule, choisit soigneusement 12 travaux qu’aucun homme normal n’eut été capable d’accomplir. 
Mais Hercule, demi-Dieu et  doté dès sa naissance, d’une force incroyable les réalisa tous même s’il lui fallut plus de 8 ans qui le firent voyager dans toute la Grèce.

Le noeud d’Hercule, un joli bijou à offrir

Le « nœud d’Hercule » est souvent présent dans l’art grec et romain comme symbole de protection et de lien étroit entre un homme et sa femme.
Il attachait la ceinture des mariées à Rome que l’époux seul devait délier sur le lit nuptial.
Hercule l’avait fait pour attacher les pattes de la peau de lion de Némée qu’il avait terrassé et qui lui servait d’armure invincible.

Le « nœud d’Hercule » est souvent présent dans l’art grec et romain comme symbole de protection et de lien étroit entre un homme et sa femme.
Il attachait la ceinture des mariées à Rome que l’époux seul devait délier sur le lit nuptial.
Le porter en bijou était une manière de s’approprier un peu de la force du héros. 
Et son visage  écartait les maladies et tous les autres maux : ce motif était donc aussi protecteur.

Encore

aujourd’hui, lors de certains bandages, il est préconisé aux secouristes de faire ce noeud, appelé aussi « noeud plat ».

Et si voulez tout savoir sur Hercule et ses 12 travaux

À bientôt !! 🏰

J’ai tendu des cordes de clocher à clocher ; des guirlandes de fenêtre à fenêtre ; des chaînes d’or d’étoile à étoile, et je danse – Rimbaud

clochettes muettes qu’Apollon a fait naître pour offrir à ses neuf nymphes un tapis parfumé et doux à leurs pieds nus.

La campanologie, ou l’étude des cloches, montre que la cloche est l’un des plus anciens instruments sonores connus. 
Instrument universel dont la longue portée acoustique sert à communiquer au loin, soit avec des hommes, soit avec des dieux.
Longtemps en effet ,qu’il s’agisse de croyances païennes ou chrétiennes, les hommes ont cru, plus ou moins confusément, que les cloches avaient une âme et une voix divine.
Pour maîtriser le temps en le mesurant et pour conjurer l’angoisse plus forte de la mort, l’homme a attribué aux cloches un pouvoir magique ambivalent, entre menace et protection.

Les cloches sonnent depuis plus de 8000 ans… dans le monde entier.

Elles sont apparues au Néolithique, lorsqu’après avoir découvert le feu, l’homme a appris à durcir l’argile et constituer ainsi un vase sonore en le percutant.
Les premières cloches métalliques remontent à l’âge du bronze, et l’on a retrouvé les plus anciennes mentions en Chine il y a 6000 ans, mais également en Amérique du Sud, au Japon, en Corée où l’on voit la plus grande cloche bouddhiste conservée à ce jour.

Chez les Grecs, les cloches étaient déjà très appréciées pour le son qu’elles produisaient, mais également pour la sécurité de l’âme qu’elles apportaient.

Dans l’Antiquité romaine, un tintinnabulum était un objet muni de clochettes, répondant à différents usages : annonce de l’ouverture des bains et des marchés, avertissement (au cou des condamnés, des têtes de bétail, clochettes à vent), instruments de musique (grelots);
accrochés à un sanctuaire, un jardin ou une maison, ou agités à la main, les tintinnabulaservaient t à guérir des malades, apaiser la colère des dieux, conjurer le mauvais sort et détourner les influences maléfiques

♦️ le verbe tintinnabuler vient de ce mot latin : produire un son léger aux harmonies aiguës et cristallines, comme par exemple, 

風鈴Furin : les clochettes du vent au Japon tintinnabulent délicatement au moindre souffle de vent .

En Gaule, l’usage des cloches s’est ensuite répandu au fur et à mesure de l’implantation des cités construites par les Romains et ont remplacé peu à peu l’usage du simandre (plaque de bois frappée avec un maillet). 
Elles étaient fondues ou battues, c’est-à-dire en bronze ou en fer.

Comme les romains, les chrétiens firent de la cloche un symbole d’appel et de ralliement dans les églises, d’avertissement à l’extérieur et Charlemagne les généralisa.

La tradition veut que ce soit l’évêque saint Paulin de Nole (353-431) qui ait installé les premières cloches dans les églises. Nole est une ville de Campanie qui donna son nom aux cloches (campana). 

Le mot cloche, par contre, vient « du bas latin clocca, attesté en 550 dans le domaine anglais et importé sur le continent par les moines irlandais évangélisateurs de l’Europe »).

Les fondeurs de cloches sont des moines. Toutefois, dès le VIIIe siècle, de fondeurs itinérants laïcs apparurent. Ces fondeurs ou « saintiers » se déplaçaient pour effectuer le travail sur place et éviter le travail d’acheminement des cloches. De grandes voitures amenaient personnel et matériaux sur le lieu de la coulée.

Mais il faut attendre le XIIIe siècle pour que les progrès de la technique permettent d’en fondre de grande taille : la plus grosse cloche actuelle en France est la Savoyarde, à la basilique du Sacré-Cœur de Montmartre, avec ses 19 tonnes. On les appelle aussi bourdon, à cause de leur son grave.
Et, bien sûr, il y eut les sonneurs de cloches, métier qui nécessitait une véritable savoir: il faisait sonner le bourdon pour les heurs, volée de cloches pour baptêmes et mariages,  le glas pour les décès et le tocsin pour sonner l’alarme .

Victor Hugo a fait de l’un d’eux , Quasimodo, le personnage principal de son roman Notre- Dame de Paris.

Sur les anciennes cloches d’église, on trouve souvent ce message écrit .

« Je pleure les morts, je brise le tonnerre, j’annonce les vacances, je réveille les paresseux, je disperse les vents, j’apaise les querelles. »

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