« L’orthographe est de respect; c’est une sorte de politesse. » Alain

Prosper Mérimée, 1803 – 1870, écrivain, archéologue, érudit, inspecteur des monuments historiques, sénateur proche de Napoléon III et de la cour impériale… La seule évocation de Prosper Mérimée entraîne presque toujours l’énumération des titres et fonctions qui ont jalonné la vie de cet homme, aux centres d’intérêts aussi éclectiques que le siècle dans lequel il évoluait.

Qui a eu cette idée folle, un jour, d’inventer la dictée ?

L’exercice de la dictée est ancestral et commence dès l’Antiquité. La dictée consistait alors à mettre par écrit les paroles d’un auteur. L’un des plus célèbres auteurs antiques pratiquant la dictée était Cicéron car il dictait ses textes à son secrétaire Tiron afin qu’il les retranscrive à l’écrit. De même, dans l’Empire romain, les maîtres dictaient des mots aux petits Romains qui apprenaient le latin.

C’est au XVIIe siècle qu’émerge une réflexion sur ce qu’on appelle alors « l’orthographe d’Etat« .Jusqu’au XVIIe siècle, l’orthographe était restée une discipline très floue. C’est seulement avec la création de l’Académie française, en 1634, sous l’impulsion de Louis XIII, qu’on commence à vouloir homogénéiser l’écriture, notamment au travers de la publication de dictionnaires..

En revanche, la dictée comme élément de ciment national et culturel est apparue en France au XIXe siècle. À l’époque, il y a même eu une sorte de « folie de la dictée », devenue un passe-temps très prisé à la Cour.
Par exemple, en 1857, sous le Second Empire de Napoléon III, l’Impératrice Eugénie a commandé à Prosper Mérimée une dictée combinant de nombreuses difficultés orthographiques afin de la proposer comme jeu après un dîner. C’est un texte qui est resté célèbre pour sa difficulté car même l’Empereur a commis 75 fautes ! l’impératrice Eugénie, 62, Alexandre Dumas fils, 24. Seul le prince de Metternich, ambassadeur d’Autriche, n’en fait que 3… 

« Quand allez-vous, prince, vous présenter à l’Académie pour nous apprendre l’orthographe ? » aurait demandé Dumas quand furent annoncés les résultats.

La célèbre dictée de Prosper Mérimée, publiée par Léo Claretie en 1900.

La dictée de Mérimée, site officiel du Ministère français de la Culture.

« Pour parler sans ambiguïté, ce dîner à Sainte-Adresse, près du Havre, malgré les effluves embaumés de la mer, malgré les vins de très bons crus, les cuisseaux de veau et les cuissots de chevreuil prodigués par l’amphitryon, fut un vrai guêpier.
Quelles que soient, quelque exiguës qu’aient pu paraître, à côté de la somme due, les arrhes qu’étaient censés avoir données la douairière et le marguillier, il était infâme d’en vouloir, pour cela, à ces fusiliers jumeaux et malbâtis, et de leur infliger une raclée, alors qu’ils ne songeaient qu’à prendre des rafraîchissements avec leurs coreligionnaires.
Quoi qu’il en soit, c’est bien à tort que la douairière, par un contresens exorbitant, s’est laissé entraîner à prendre un râteau et qu’elle s’est crue obligée de frapper l’exigeant marguillier sur son omoplate vieillie.
Deux alvéoles furent brisés ; une dysenterie se déclara suivie d’une phtisie et l’imbécillité du malheureux s’accrut.
— Par saint Martin, quelle hémorragie ! s’écria ce bélître.
À cet événement, saisissant son goupillon, ridicule excédent de bagage, il la poursuivit dans l’église tout entière. »

😉 La prochaine fois, je vous expliquerai les difficultés de cette célèbre dictée 

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À bientôt !✍️